SERVICES NUMÉRIQUES

Qu’est ce que la démarche ZAN ? (Zéro Artificialisation Nette)

Le sujet n’est pas un bonbon à la réglisse au goût légèrement acidulé mais une notion qu’il va bien nous falloir assimiler : le Zéro Artificialisation Nette.

 

Vous le savez, le foncier se fait rare… et donc cher, tant pour les professionnels aménageurs que pour les particuliers.

A l’avenir, il va devoir être trouvé à l’intérieur des agglomérations du fait de la lutte contre l’artificialisation des sols. Cette lutte a d’ailleurs déjà commencé, l’extension sur les terres naturelles devant être diminuée de moitié d’ici 2031 par rapport à la décennie précédente.

Cette politique va nécessairement complexifier l’urbanisation tant pour les élus que pour les demandeurs d’autorisations d’urbanisme.

Il est en effet plus exigeant de recycler la ville sur la ville que de construire en extension.

La Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite « Climat et Résilience » a fait de la lutte contre l’artificialisation des sols et de l’atteinte en 2050 du « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN), une réforme prioritaire.

En France, 20.000 hectares d’ Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (ENAF) sont consommés chaque année en moyenne emportant d’importantes conséquences écologiques (atteinte à la biodiversité, diminution de production agricole, risques de ruissellement) et socio-économiques (éloignement des logements des services publics et de l’emploi créant une dépendance à la voiture individuelle).

La Bretagne se place d’ailleurs parmi les régions les plus consommatrice.

Bouteiller & Associés - ZAN - NAF

Bouteiller & Associés – ZAN – Consommation d’espaces NAF entre 2009 et 2019.

 

Cependant, la quête du ZAN, si elle va nécessairement changer l’approche foncière, ne peut entrainer l’arrêt de tout projet, en particulier dans les territoires où l’offre de logement et de surfaces économiques est insuffisante au regard de la demande.

 

L’artificialisation des sols, c’est quoi ?

La loi a inscrit la lutte contre l’artificialisation des sols dans les principes généraux du code de l’urbanisme pour arriver à un « bilan surfacique du Zéro Artificialisation Nette » qui repose sur le solde entre les flux des sols artificialisés et désartificialisés à l’échelle des documents de planification et d’urbanisme.

À l’échelle nationale, le rythme de consommation des ENAF entre 2021 et 2031 devra, pour le premier jalon décennal, être réduit de 50 % par rapport à la période entre 2011 et 2017.

La loi prévoit des dispositions pour mesurer régulièrement l’artificialisation des sols, afin d’anticiper et d’encadrer la trajectoire de sa réduction. Ainsi, chaque maire ou au président d’intercommunalité devra remettre tous les trois ans un rapport sur l’artificialisation des sols.

Des outils opérationnels et techniques sont mis en place pour suivre et mesurer l’artificialisation des sols, et pour aider les collectivités locales à élaborer leur stratégie foncière.

La généralisation des observatoires locaux du foncier et de l’habitat, adossés aux programmes locaux de l’habitat, permettra, avec l’appui de l’ingénierie des EPF (de l’État et locaux) et des Agences d’urbanisme, de définir sa stratégie foncière grâce à l’identification des gisements pouvant faire l’objet d’une intensification urbaine (recensement des friches constructibles, des surélévations, des densifications potentielles, etc.) et des espaces non artificialisés à préserver (espaces de nature en ville, surfaces non imperméabilisées et trames vertes et bleue, etc.).

Ces données seront complétées mars 2024 par celles de l’Occupation des Sols à Grande Echelle (OCSGE), base de données de l’ensemble du territoire. Des outils numériques sont également déployés et financés par le plan « France Relance » pour identifier les gisements fonciers.

 

Intégrer la trajectoire de réduction de l’artificialisation des sols dans les documents de planification et d’urbanisme : 

Il existe en fonction des bassins de vie, des différences territoriales notables quant à la perception et l’appropriation des objectifs de sobriété foncière du fait des différences relatives au portage politique, à la taille des collectivités ou encore à leur capacité à pouvoir mobiliser de l’ingénierie en matière de connaissance ou de mise en œuvre d’opérations de renouvellement urbain.

L’appropriation de cet enjeu nécessite une planification à l’échelle du territoire, raison pour laquelle le Gouvernement continue de promouvoir les Plan Locaux d’Urbanisme intercommunautaires (PLUi).

À l’échelle régionale, la loi impose l’inscription de cette trajectoire dans un document de planification appelé Schéma Régional d’Aménagement de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET).

Cette trajectoire est ensuite déclinée dans les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT), et dans le reste des documents d’urbanisme locaux (PLUi, PLU, cartes communales, etc.) respectivement d’ici 2026 et 2027.

Cette déclinaison aux différentes échelles de la planification nécessite dès à présent l’implication de l’ensemble des collectivités territoriales afin de respecter les délais fixés par la loi.

Des mesures sont rendues obligatoires pour lutter contre l’artificialisation des sols, favoriser les opérations en renouvellement urbain plutôt qu’en extension :

  • Intégrer dans les SCoT des tranches décennales d’objectifs de réduction de l’artificialisation des sols
  • Décliner dans les PLU et les cartes communales les objectifs de réduction prévus et conditionner les ouvertures à l’urbanisation dans les PLU à une étude de densification du potentiel restant des zones déjà urbanisées (mobilisation préalable des locaux vacants, des friches et des espaces urbanisés existants)
  • Rendre obligatoire les Orientations d’Aménagement et de Programmation (OAP) des PLU jusqu’à présent facultatives pour définir un échéancier prévisionnel d’ouverture des zones à urbaniser,
  • Réduire de 9 à 6 ans le délai de révision des PLU,
  • Permettre au sein des PLU d’inscrire, dans les Zones d’Aménagement Concertées (ZAC), une densité minimale de constructions,
  • Etendre les dérogations aux règles du PLU pour les périmètres des Grandes Opérations d’Urbanisme (GOU) et des opérations de revitalisation des territoires (ORT)
  • Offrir une dérogation supplémentaire de 15 % aux règles de gabarit pour favoriser l’amélioration du cadre de vie notamment par l’apport d’espaces extérieurs
  • Permettre une plus grande densité dans les projets réalisés dans des friches par un bonus de constructibilité de 30 %

De moyens d’intervention sont donnés aux autorités locales pour agir sur les espaces artificialisés déqualifiés ou en friches :

  • Les intercommunalités doivent dresser un inventaire des Zones d’Activité Economiques. De nouveaux pouvoirs de police sont confiés au Préfet, au maire et au président de l’intercommunalité lorsque l’état de dégradation ou l’absence d’entretien par les propriétaires des locaux compromettent la réalisation d’une opération d’aménagement ou de restructuration de la zone
  • Les communes sont incitées à recycler des friches pour encourager le renouvellement urbain.

Une définition de la friche est introduite à l’article 222 du code de l’urbanisme : « tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables.

Le développement de la nature en ville devient un enjeu :

  • Création de Zones pour la renaturation dans les SCoT et les PLU,
  • Définir, dans les PLU des secteurs contenant une part minimale de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables
  • Introduire un « permis de végétaliser » par l’article 202 du Code de l’Urbanisme, afin de faciliter l’intégration de la nature en ville, en prévoyant une dérogation au régime d’Autorisation d’Occupation Temporaire (AOT) du domaine public permettant sa gratuité ?
  • Possibilité de déroger aux règles du PLU pour installer des toitures et façades végétalisées.

 

L’artificialisation des sols contrôlée à l’échelle de chaque projet :

L’artificialisation des sols sera désormais prise en compte dans l’évaluation environnementale des projets (article L. 122-3 du code de l’environnement).

Interdiction de l’extension des zones commerciales en périphérie contrôlée lors de l’examen des demandes d’autorisation d’exploitation commerciale. Plusieurs seuils, exprimés en surface de vente, cadrent cette mesure :

  • En-dessous de 1 000 m² : l’article ne s’applique pas (sauf si le maire ou au président de l’EPCI décide de saisir la CDAC sur des projets supérieurs à 300 m² qui engendrent une artificialisation des sols)
  • Entre 1 000 m2 et 10 000 m² : certains projets artificialisants peuvent être acceptés sous condition
  • Au-delà de 10 000 m² : interdiction stricte sauf pour une unique extension inférieure à 1 000 m²
  • Entre 3 000 m² et 10 000 m² : les dérogations ne peuvent être accordées qu’après un avis conforme du représentant de l’Etat.

Un décret précisera les modalités d’application de cette disposition et, en particulier, de la « compensation d’artificialisation »

L’application de ces nouvelles dispositions, combinées aux procédures existantes, notamment la réalisation de l’étude d’impact doit conduire à limiter les nouveaux projets commerciaux en extension urbaine et favoriser la réutilisation des friches disponibles.

 

La valorisation des démarches territoriales en faveur de la sobriété foncière :

Un des axes majeurs de cette réforme repose sur l’accompagnement des projets de recyclage foncier, de mobilisation des locaux vacants et de revitalisation des cœurs de ville.

Des mesures ont été prises pour renforcer l’ingénierie territoriale via l’extension des missions des Etablissements Publics Fonciers, des Agences d’urbanisme et de l’Agence nationale de cohésion des territoires

Des dispositifs budgétaires et fiscaux incitent à une plus grande sobriété foncière :

  • Subventions attribuées dans le cadre de France-relance pour le recyclage des friches (fonds de 650M€ sur deux ans) et pour l’aide à la relance de la construction durable (350M€ sur deux ans)
  • Création d’un abattement de plus-value immobilière résultant de la cession de biens immobiliers bâtis situés, pour tout ou partie dans le périmètre d’une Grande Opération d’Urbanisme (GOU) ou dans celui d’une Opération de Revitalisation des Territoires (ORT) et faisant l’objet d’une démolition puis reconstruction (Le cessionnaire doit s’engager à démolir les constructions existantes en vue de réaliser et d’achever dans un délai de quatre ans à compter de la date d’acquisition un ou plusieurs bâtiments d’habitation collectifs dont le gabarit est au moins égal à 75 % du gabarit maximal autorisé tel qu’il résulte de l’application des règles du PLU ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu.
Bouteiller & Associés - ZAN - Objectif 2050

Bouteiller & Associés – ZAN – Objectif ZAN 2050 (art. 191)

 

Que peut on en conclure ?

Si l’enjeu de la sobriété foncière est globalement perçu, plusieurs points de blocage demeurent.

La loi « Climat et Résilience » est vécue comme une contrainte réglementaire supplémentaire tant pour les collectivités basant leur modèle d’attractivité sur un foncier abordable que pour les territoires attractifs souhaitant se développer en extension,

Elle révèle aussi la disparité entre deux types de territoires : Les urbains constitués autour de centralités fortes pour lesquels l’objectif de maîtrise de l’artificialisation est globalement intégré / Les ruraux, pour lesquels la lutte contre l’artificialisation est peu prise en compte face aux enjeux de développement économique.

Cette loi fait face à une représentation négative de la densité : le modèle de la maison individuelle reste prépondérant. La crise sanitaire a révélé les limites de la densification et les attentes se portent davantage en faveur d’une dé-densification : On ne quitte pas les grands centres urbains pour retrouver leurs inconvénients quelques années plus tard !

Bouteiller & Associés - ZAN - Augmentation du nombre d'habitants en Bretagne

Bouteiller & Associés – ZAN – Augmentation du nombre d’habitants en Bretagne

 

Face à l’augmentation attendue du nombre d’habitants en Bretagne dans les 40 prochaines années, les villes vont se retrouver face à cette équation : Augmenter le nombre de logements dans moins d’espace disponible.

La densification et la verticalisation sont moins consommatrices d’espace mais l’attente des migrants venant des grands centres urbains reste un logement avec un bout de jardin !

Bouteiller & Associés - ZAN - Densification & Verticalisation

Bouteiller & Associés – ZAN – Densification & Verticalisation

 

Les urbanistes, architectes et aménageurs vont devoir repenser des modèles de logement vertueux en consommation de foncier et répondant à cette attente.

Que ce soit en ville ou à la campagne, une égale couverture du territoire en documents d’urbanisme, en particulier intercommunaux, pour porter l’enjeu du ZAN à la bonne échelle demeure la clé de la réussite.

Dès demain, le ZAN va nous obliger à requalifier nos entrées de ville commerciales et d’activités, nos friches administratives et industrielles et amener la nature en ville pour créer des règles de compensation…et pour ceux qui ne veulent pas d’une vie trop verticale, la campagne reste une option valable.

 

Puisque le « péri-urbain » n’est plus possible car trop consommateur d’espace, on peut se demander si nous n’allons pas, après la revanche des ville moyennes, assister dans quelques années à celle des territoires ruraux ?